Par Gilles FALAVIGNA
L’attaque d’un groupe islamique, le GSIM, à Ouagadougou, nous conduit à globaliser la vision d’un conflit présenté comme régional. Lors d’un précédent volet, nous avons développé que si nous pouvions convenir que la guerre en Syrie et au Levant avait éliminé Daesh de cette zone, l’Etat islamique s’était déplacé principalement à l’Est. La démonstration que le fond du problème n’est pas celui-ci est qu’immédiatement, toutes les forces se sont accumulées pour se faire face, grandes puissances russe et américaine en priorité, puissances régionales ensuite, turque et iranienne. Ceux qui avaient le plus combattu Daesh, les Kurdes, au Nord, sont la cible des Turcs qui tentent d’achever ce que Daesh n’était pas arrivé à faire. Les forces chi’ites, elles, se concentrent à la frontière israélienne pour en découdre. En particulier, les informations diffusées par Fox News, le 28 février, précisent la préparation d’un conflit de grande intensité. Elles montrent les bases iraniennes, en banlieue de Damas, équipées de missiles sol-sol pour couvrir l’ensemble du territoire israélien sous un feu permanent.
De toute évidence, les tentatives des grandes puissances de recadrer sur un équilibre des forces, doctrine vieille de 70 ans, profitent aux puissances régionales émergentes qui agitent le chaos. La Russie, comme les USA qui ne font pas de la surenchère mais agissent en réaction pour tenter de désamorcer ce chaos qui s’affranchit, désormais, des alliances traditionnelles.
Pour autant, puisque le retour des Jihadistes français en métropole est à l’ordre du jour, il serait intéressant de regarder de plus près ce qui se passe pour Daesh, fer de lance du Sunnisme conquérant, car nous pourrions imaginer que le repli soit celui d’une bête à l’agonie. Les « Experts géopolitologues » ont toujours estimé que la force économique de manière concomitante, d’attraction de Daesh tenait à son caractère étatique. Le Qalifat était enfin ressuscité.
La première partie de leur erreur est de n’avoir considéré que la partie matérielle du postulat. Or, la valeur immatérielle est toujours fondamentale. La géopolitique est avant tout de la métapolitique.
Nous devons considérer que le développement de Daesh s’est réalisé en rivalité avec Al-Qaïda. Chacune des deux organisations terroristes pratiquaient une surenchère monstrueuse pour attirer le Jihadiste. L’affaiblissement notoire de Daesh n’est pas le corollaire d’une prise de position hégémonique d’Al-Qaïda. L’équilibre entre les deux aboutit à une mise en suspens de leur concurrence en attendant de nouvelles forces pour reprendre leur affrontement. C’est le principe séculaire de la Fitna. C’est par le feu que se séparent le Bien et le Mal. Les anciens adversaires sont, pour le moment, de nouveaux amis.
Selon le rapport fourni par la CIA au Congrès pour la planification des menaces à court terme, l’Occident doit s’attendre à une augmentation radicale des attentats. Ensuite, le chaos au Levant devrait permettre le retour de Daesh en Syrie et en Irak. Les infrastructures humaines y sont toujours présentes.
En fait, les forces islamistes sont actives sur tous les points sensibles. L’Egypte n’arrive pas à éliminer les dizaines de milliers de combattants, non seulement dans le Sinaï, mais au Sud comme à l’Ouest, à la frontière libyenne. De l’autre côté de cette frontière, encore dix mille hommes sont estimés organiser l’Islamisme vers l’Afrique de l’Ouest. Un deuxième front se situe plus au Sud, du Nigéria avec Boko Haram à la corne de l’Afrique avec les Shebaa et autres.
Adnan Abu Walid al-Sahraoui, attaché à Al-Qaïda pour l’Afrique de l’Ouest, n’a jamais été en opposition avec Abubakar Shekau, le chef de Boko Haram qui a prêté allégeance à Daesh. Leurs troupes ne cessent de grossir.
Pour rester dans cette Afrique de l’Ouest, l’intervention française au Mali avait été saluée comme un modèle d’efficacité avec un travail de nettoyage rapide et propre. Aujourd’hui, les forces islamistes se sont réorganisées et recommencent à frapper.
En Somalie, dans une Afrique orientale en proie au désordre absolu, le chef traditionnel d’Al Qaïda Abdulqadir Mumin, transfuge vers Daesh, représente parfaitement cette résurgence des forces qui semblaient affaiblies.
La situation est identique sur un front plus au Sud de l’Afrique, en pleine Afrique équatoriale et plus au Sud encore, comme si mille ans de traite négrière par le monde arabo-musulman n’avaient jamais eu lieu. Soumission, quand tu nous tiens !
A l’Est, le Yémen ne concentre pas seulement cet affrontement entre chi’ites et Sunnites. Le désordre est tel qu’il est un sanctuaire pour Daesh. Là également, il est notable que si jusqu’à ces derniers temps, Al Qaïda en Péninsule arabique avait toujours rejeté l’Etat Islamique, l’allégeance serait désormais effective, selon le Pentagone.
Nous avions vu, dans notre précédent volet, que la situation en Asie avait évolué de manière exponentielle pour Daesh, en Afghanistan et au Pakistan, en péninsule indienne, en Indonésie, comme sur tous les foyers islamistes en guerre.
Ce que nous constatons au Levant est le microcosme de l’Islamisme planétaire. L’opposition des grandes puissances favorise le développement de l’Islamisme. Ce dernier échappe à leur contrôle. Bref, les ressources occidentales et Russes sont insuffisantes et surtout inadaptées. La stratégie russe a toujours été défensive. La stratégie américaine est offensive mais elle s’appuie sur des déploiements à partir de bases arrières consolidées.
Nous devrons donc faire face à des attaques terroristes de plus en plus fréquentes et meurtrières. Leurs sources sont dans ces forces islamistes qui se développent aux quatre coins du monde et que nous ne pouvons détruire tant leurs nids se multiplient.
A tout cela vient s’ajouter le plus terrible risque :
- Nous n’avons pas la volonté de nous y opposer.
- Nous le pourrions, la solution existe. Mais au contraire, la politique d’accueil européenne rend le terrain fertile pour l’Islamisme.
Par Gilles FALAVIGNA
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